Résoudre les mammites avec Ivanne Leperlier, véterinaire au GDS Bretagne © Thomas Dagorn

Témoignage d'Ivanne LEPERLIER
véterinaire au GDS Bretagne

1 - La visite d’un conseiller

Dans quelles situations intervient un conseiller chez un éleveur confronté à des problèmes d’infections mammaires ?

Il existe plusieurs motifs d’intervention : soit l’éleveur appelle pour un problème particulier (flambée de mammites cliniques ou augmentation des cellules), soit c’est un éleveur identifié « hors norme »*. Le déroulement de l’intervention est adapté selon la situation.
L’objectif est toujours d’intervenir avant que cela ne devienne dramatique. En effet, plus on tarde à réagir face à un comptage cellulaire qui se dégrade, plus il est difficile de remonter la pente !

* Tel que défini par l’accord interprofessionnel national relatif à la gestion des germes et des cellules.

 

Pouvez-vous nous décrire comment se déroule l’intervention dans un élevage confronté à des problèmes de mammites ?

" L’objectif est d’intervenir avant que cela ne devienne dramatique. "

L’intervention se passe en 3 temps.
D’abord, on prépare la visite en étudiant les données de l’élevage (comptage cellulaire, mammites cliniques…). Cette étape est essentielle car elle permet d’émettre une hypothèse sur l’origine des mammites : bactéries présentes sur la peau des trayons des vaches saines et dans la mamelle des vaches infectées, ou bactéries de l’environnement.
Ensuite, on réalise une visite en exploitation pour échanger avec l’éleveur, connaitre ses pratiques en salle de traite et sa méthode de conduite du troupeau, et selon la situation, on observe aussi la gestion du logement. Pour finir, nous formulons ensemble, avec l’éleveur, un plan d’action.

Organisation pratique de l'intervention

 

Vous vous rendez plusieurs fois sur la ferme ?

Il est important de faire des visites de suivi pour observer les résultats de l’élevage et les nouvelles pratiques. Parfois, il est nécessaire de remotiver l’éleveur ou encore de réajuster le plan d’action.
Des visites complémentaires avec des collègues spécialisés peuvent également être proposées à l’éleveur : diagnostic d’ambiance du bâtiment, diagnostic protection électrique….

 

Pourquoi les échanges entre l’éleveur et son conseiller sont-ils essentiels ?

Dans tous les cas, la discussion avec l’éleveur est fondamentale pour comprendre ses objectifs, ses difficultés et ses contraintes dans l’application de certaines pratiques. Cela permet de trouver ensemble des solutions qui soient le plus adaptées à sa façon de travailler. Cela permet aussi de mieux connaitre ses motivations lorsqu’il faut le convaincre et définir des bonnes pratiques. Enfin, avoir établi un bon dialogue permet de valider ensemble le calendrier d’application.

 

Auriez-vous un conseil à donner aux éleveurs ?

L’ambiance laitière actuelle pèse de façon compréhensible sur le travail des éleveurs et sur leur motivation, en particulier face à des maladies complexes telles que les infections mammaires. Pourtant, elles ont un impact indirect important sur le revenu. Alors il ne faut pas se décourager et persévérer ! Je donnerais 2 conseils aux éleveurs :

▪ N’hésitez pas à vous faire aider sans attendre d’être en situation « hors normes ». Appelez rapidement votre conseiller, vous définirez ensemble des solutions adaptées à votre situation.

▪ Utilisez et enregistrez au mieux les données de votre élevage (mammites cliniques, comptages individuels, incidents….) pour comprendre avec un maximum de précision ce qui se passe et trouver des solutions rapides et efficaces avec vous.

 

Résoudre les mammites avec Vincent Bouin - vétérinaire dans les Vosges (Sngtv)

Témoignage de
Vincent Bouin, vétérinaire dans les Vosges (SNGTV)

2 - Eliminer les mammites

Lorsque l’on parle d’éliminer les infections mammaires, de quoi s’agit-il ?

Il faut distinguer le traitement des mammites en lactation et celui des mammites au tarissement. Le traitement des mammites en lactation est mis en œuvre par l’éleveur sur prescription du vétérinaire suite à l’examen d’un animal malade ou dans le cadre du protocole de soins (associé au bilan annuel). Rappelons aussi qu’il est essentiel de respecter la dose et la durée du traitement. Il faut également distinguer le traitement de 1ère intention de celui de 2ème intention qui fait suite à un échec.

L’éleveur doit envisager la réforme de la vache en cas de multiples échecs de traitement (problèmes de mamelle, sphincter endommagé, indurations mammaires…).

Les traitements au tarissement, dans le cadre du protocole de soin, visent à assainir les infections chroniques

Rappel.

Un traitement antibiotique doit conduire à une amélioration de l’état de santé de l’animal au bout de 48 heures, à une guérison clinique au bout de 5 jours et à une amélioration du comptage cellulaire au bout de 3 à 4 semaines. Une infection qui apparait 3 à 4 semaines après la fin du traitement , dans le même quartier, est un échec de traitement ; au-delà, c’est une nouvelle infection..

 

Pourquoi utilise-t’on des antibiotiques pour traiter les mammites cliniques ?

" Il est essentiel
de respecter la dose et la durée du traitement. "

Les  infections mammaires sont dues, quasiment toutes, à des bactéries. C’est la raison pour laquelle on les traite avec des antibiotiques. On améliore considérablement le taux de guérison en traitant précocement et en intervenant dès l’apparition des premiers symptômes. Il faut donc avoir recours aux antibiotiques au bon moment, avec la bonne prescription vétérinaire et, envisager la réforme pour les vaches « incurables » afin d’éviter de multiplier les traitements antibiotiques inutiles.

 

Comment lutter contre l’antibiorésistance ?

Pour éviter la baisse d’efficacité des molécules antibiotiques et l’apparition de souches de bactéries résistantes, l’utilisation des antibiotiques doit être encadrée : recours limité, respect des prescriptions vétérinaires, choix des molécules utilisées… et appliquer au quotidien les bonnes pratiques pour la  prévention.

Qu’est-ce que l’antibiorésistance ?

L’antibiorésistance est la capacité que possède une bactérie à résister à l’effet de l’antibiotique (et donc au traitement). C’est un phénomène naturel de défense des bactéries vis-à-vis de l’action exercée par l’antibiotique. L’acquisition d’une résistance est liée à des modifications génétiques de la bactérie.

 

Le plan EcoAntibio

Le plan EcoAntibio 2017 a pour objectif de réduire de 25% l’utilisation des antibiotiques en médecine animale pour toutes les productions en 5 ans. De nombreuses actions d’information et de sensibilisation sont conduites ainsi que le développement des médecines alternatives.

plan-ecoantibio

Axe1: Promouvoir les bonnes pratiques et sensibiliser les acteurs aux risques liés à l’antibiorésistance et à la nécessité de préserver l’efficacité des antibiotiques,

Axe 2: Développer les alternatives permettant d’éviter les recours aux antibiotiques,

Axe 3: Renforcer l’encadrement et réduire les pratiques à risque,

Axe 4: Conforter le dispositif de suivi de la consommation des antibiotiques et de l’antibiorésistance,

Axe 5: Promouvoir les approches européennes et les initiatives internationales.

Consulter la plaquette Ecoantibio
Résoudre les mammites avec Laurent Courtot - conseiller ACSEL Conseil Elevage

Témoignage de
Laurent COURTOT
conseiller ACSEL Conseil Elevage (Ain/Saône et Loire)

3 - L’importance de la prévention pour moins de mammites !

Au quotidien, l’éleveur met en place des actions ou bonnes pratiques, pour la prévention des mammites. Pourquoi est-ce essentiel ?

La prévention est déterminante car elle évite de se trouver dans une situation difficile à gérer. L’éleveur a tout intérêt à définir, avec son conseiller, les actions prioritaires, adaptées à son élevage. Ces mesures sont d’autant plus faciles à mettre en place qu’elles sont préventives. Face aux mammites, beaucoup d’éleveurs réagissent trop tard !

Deux indicateurs doivent déclencher une action préventive contre les mammites : un taux de mammites cliniques supérieur à 20% (d’où l’importance d’enregistrer les mammites cliniques) ou un taux de cellules supérieur à 300.000 cellules par ml.
Les mammites sont un problème multifactoriel et complexe, il ne faut pas hésiter à se faire aider. En effet dans un élevage où la situation est mal maîtrisée, le coût global des mammites est de l’ordre de 20 à 30 euros par 1000 litres. D’autre part, n’oublions pas que les mammites cliniques rallongent les temps de traite (tri du lait, marquage des vaches…) et font donc perdre du temps à l’éleveur. Sans compter le stress quand l’éleveur découvre une nouvelle mammite dans son troupeau !

 

Quelles sont les bonnes pratiques à mettre en place pour éviter les mammites ?

" En matière de prévention, la technique et l’hygiène de traite jouent un rôle majeur. "

En matière de prévention, la technique et l’hygiène de traite jouent un rôle majeur. Il faut donc s’assurer du bon fonctionnement de la machine à traire et réaliser un nettoyage des trayons suffisant avec trempage et désinfection.
L’autre enjeu majeur, c’est le logement des animaux, garant de la propreté des vaches. Un bâtiment spacieux bien conçu et bien entretenu avec une surface suffisante par vache assure le renouvellement de l’air et évite les excès d’humidité.
La prévention se joue au quotidien : entretien des surfaces de couchage, vigilance pour la détection des mammites….

 

Mammites et cellules, mieux vaut prévenir que guérir !

De multiples facteurs peuvent entrainer l’apparition de mammites dans les élevages. La traite, l’alimentation, le bâtiment, … sont autant de facteurs de maîtrise.

Consultez les habitudes anti-mammites
Résoudre les mammites avec Stéphanie Minery - Institut de l'Elevage

Stéphanie Minery
Institut de l'Elevage

4 - La génétique et les mammites

Les éleveurs disposent-ils d’outils génétiques pour aider à la maîtrise des mammites ?

Les éleveurs laitiers peuvent choisir des taureaux améliorateurs en santé de la mamelle grâce :
▪ à l’index « cellules » (« CEL »), basé sur les comptages de cellules somatiques,
▪ à l’index « mammites cliniques » (« MACL »), basé sur les mammites cliniques
▪ et à l’index synthétique « santé de la mamelle » (« STMA »), combinant ces 2 index.

L’ISU, index de synthèse unique donnant la valeur génétique globale de l’animal, intègre ces index.

D’autre part, grâce au génotypage, l’éleveur peut connaitre, très tôt, la valeur de son veau sur le critère « santé de la mamelle ». Un outil essentiel pour le choix des femelles de renouvellement !

Rappelons que chaque éleveur doit définir pour son troupeau un objectif de sélection (comme par exemple diminuer le niveau de cellules) et surtout garder le cap sur plusieurs années. C’est indispensable pour véritablement améliorer le niveau génétique !

 

La génétique est importante, mais il y a aussi les bonnes pratiques au quotidien ?

Même avec une bonne génétique, les bonnes pratiques sont à appliquer au quotidien ! Il est bien connu qu’un bon niveau génétique ne suffit pas, à lui seul, à garantir un niveau bas des cellules dans le troupeau. La maîtrise de la traite, des conditions de logement, l’équilibre alimentaire…. sont les clés pour produire un lait de qualité.

 

Pour des index fiables, la qualité de l’enregistrement des données est fondamentale.

Les index « mammites cliniques » sont basés sur les cas de mammites relevés par les éleveurs et transmis aux conseillers. La fiabilité de ces index est garantie par une exhaustivité des remontées des données du terrain. Lorsqu’une mammite est détectée, il convient de noter : numéro de la vache atteinte, date de détection de l’infection, traitement réalisé, délai d’attente, et de manière facultative, quartier(s) atteint(s) et sévérité de l’infection.

Philippe Roussel
Institut de l'Elevage

5 - Mammites et alimentation

Comment l’alimentation peut-elle impacter le développement des mammites ?

Des relations entre alimentation des vaches laitières et mammites sont décrites dans la littérature. Certains évènements tels que les transitions alimentaires, les déséquilibres ou déficits en énergie, en minéraux ou vitamines peuvent fragiliser les défenses immunitaires de l’animal et ainsi le rendre plus sensible aux mammites.

 

Quelles recommandations en matière d’alimentation des vaches laitières ?

" Couvrir les besoins en énergie et en azote en début de lactation. "

 

Tout est question d’équilibre !
Plusieurs micronutriments comme les vitamines E et A, le ß-carotène, le sélénium ou le fer sont impliqués dans le bon fonctionnement du système immunitaire. Des carences ou des excès de ces micronutriments peuvent ainsi accroître la sensibilité des vaches aux infections mammaires.

Zoom sur le Sélénium et la Vitamine E.

Plusieurs micronutriments comme les vitamines E et A, le ß-carotène, le sélénium ou le fer sont impliqués dans le bon fonctionnement du système immunitaire. Des carences ou des excès de ces micronutriments peuvent ainsi accroître la sensibilité des vaches aux infections mammaires.

Respecter les recommandations en matière de besoins en énergie et protéines.
Veillez à couvrir les besoins en énergie et en azote en début de lactation et à éviter une suralimentation en période de tarissement.

A noter. L’œdème mammaire peut entraîner des complications, causes de mammites (rétention du lait, difficulté de l’animal à se lever…). Une alimentation trop riche en sels (excès de sodium, de potassium) ainsi qu’un apport trop important d’énergie avant vêlage vont favoriser les œdèmes mammaires.